En Alsace, bientôt le déconfinement : à Dingsheim, grands doutes et petits espoirs

Le déconfinement vu d'un village. Le 11 mai approche et va impacter tout le monde : familles, commerces, écoles, mairies, associations… A Dingsheim, alors que la solidarité est encore à l'oeuvre, tout le monde pense à l'après. Et les questions sont encore très nombreuses.
 

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Pour suivre cette période de transition inédite que va être le déconfinement, nous avons posé notre caméra à Dingsheim. 1.300 habitants, une boulangerie, un club de foot, une école, une pharmacie, des fermes, pas de resto... A 20 minutes de Strasbourg, cette commune est accolée à sa voisine Griesheim-sur-souffel, avec qui elle partage le groupe scolaire. 
 

Si nous avons choisi Dingsheim, c’est parce que nous y avions déjà tourné un reportage en plein confinement. C’était le 31 mars dernier. Des habitants s’étaient alors mobilisés pour fabriquer des blouses à destination des personnels soignants. En quelques jours, ils avaient confectionné 12.000 tabliers de protection dans du plastique qui sert habituellement à emballer le foin. « C’est juste génial » avait alors résumé Jean-Luc Filser.

150.000 blouses en plastique

Jean-Luc Filser, ce n’est pas ce qu’on peut appeler un inconnu en Alsace. D’ordinaire, on le voit, et surtout on l’entend, lors des matchs du Racing Club de Strasbourg. Jean-Luc, c’est le gars qui chauffe le stade pendant les rencontres. Et si Strasbourg a le meilleur public de France, il y est sûrement pour quelque chose.
 

Mais pas de match, pas de stade, et Jean-Luc a décidé de mettre ses talents au service de la bonne cause. « Atelier numéro 1 : Mumu, Patrice, Geoffrey, Magali ». La voix de la Meinau est devenue en quelques semaines la voix de la salle de fêtes de Dingsheim. Le décor claque moins, mais la cause est belle. « Atelier 2 : Michel, Sandrine, Domi, Méli ». Jean-Luc organise ses troupes et tout le monde se met au travail. « On est environ 25, il y a les joueurs de l’équipe 1 de l’AS Dingsheim, des filles de l’association Femmes de foot qui est très engagée dans la lutte contre le COVID, des potes...  »

Si pour nous, c’est le premier jour de tournage, les bénévoles, eux, maîtrisent sérieusement les gestes pour réaliser les tabliers. Ils en sont à 150.000 pièces ! Faut dire qu’il y en avait, de la matière première : les agriculteurs (par le biais de l’Union des syndicats d’élevage du Bas-Rhin) ont donné 150 rouleaux de plastique pour l’opération.
 

Chacun à son poste : deux qui tirent sur le plastique, un qui découpe, un qui empile… Et c’est parti pour des heures de travail. Dans la bonne humeur, et le plaisir de se sentir utile à quelque chose. « Nous, on ne peut rien faire contre cette saloperie de coronavirus, par contre, si on peut apporter un peu de réconfort et de sécurité au personnel soignant, ça nous permet de nous sentir utiles et ça c’est vachement bien » explique Jean-Luc. «Franchement, je ne pensais pas que ça allait durer aussi longtemps. Maintenant, j’aimerais que ça s’arrête. Ca voudrait dire que ça va mieux. »
 

Une fois les blouses entassées, direction le camion, pour la livraison. Et là, ce n’est pas la Poste. Là, c’est la gendarmerie nationale. Plus précisément la « brigade motorisée de l’escadron départemental de sécurité routière du Bas-Rhin ». Autrement dit, les livreurs, ce sont les gendarmes à moto. Ils ont été volontiers autorisés par leur hiérarchie à filer un coup de main. Mais au ministère de l’Intérieur, on explique que cela s’inscrit « dans le cadre de l’opération #REPONDRE PRESENT ». Ca résume bien. Et eux sont très heureux de prêter main forte.
Ce jour-là, ils ont acheminé les sur-blouses à l’ABRAPA. Depuis le début de la mobilisation, ils ont aussi livré des EHPAD, l’hôpital de Molsheim, le conseil départemental du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, des infirmières libérales, des kinésithérapeutes ainsi que diverses structures médicales.
 

A l'école, branle-bas de combat pour préparer le retour des élèves

Si nos bénévoles enchaînent depuis plus d’un mois, à l’école, c’est le branle-bas de combat. Ce matin-là, réunion au sommet entre le maire, le directeur de l’école et le président du SIVOM (le syndicat d'initiatives à vocation multiple gère plusieurs domaines communs à Dingsheim et Griesheim). Ils ont chacun un exemplaire du « protocole sanitaire relatif à la réouverture des écoles maternelles et élémentaires » rédigé par le Ministère de l'Education nationale. 56 pages de consignes théoriques imaginées en haut-lieu (ex : 4 mètres carré sont nécessaires pour chaque élève) qu’il faut adapter à la réalité d’une école en quelques jours. Les trois responsables sortent l’outil indispensable à la distanciation : le mètre. « En largeur, on a 6 mètres 80. En longueur, 8 mètres…6 fois 8 égalent 48, on est largement bon pour 12 élèves dans cette classe » calcule le maire, Gaston Burger.

Le déconfinement, un galop d’essai pour la rentrée de septembre

Après les calculs mathématiques sur les surfaces et la distanciation viennent d'autres sujets d’inquiétude avant de pouvoir rouvrir l’école : « Il y a la question du nettoyage, plusieurs fois par jour pour les poignées de porte et les couloirs. Avec quels produits ? C’est beaucoup de main d’œuvre. On ne sait pas comment va se dérouler la restauration scolaire, c’est la com com qui gère cet aspect » s’interroge le maire qui voit néanmoins du positif dans ce défi : « ce déconfinement va nous apporter beaucoup d’enseignements. C’est un galop d’essai par rapport à ce qu’il va se passer à la rentrée de septembre » conclue-t-il.

La préparation aboutit quand même à des scènes un peu surréalistes. Après les classes, il faut s'occuper des sanitaires. Le président du SIVOM et le maire n’hésitent pas : ils se mettent à mesurer l’écart entre deux urinoirs. 50 centimètres, c’est trop près ! On en condamne un sur deux. En espérant qu'il y ait deux fois moins d’élèves à la pause pipi...  
« Les sanitaires, les poignées de porte, les rampes d’escalier seront désinfectées deux fois par jour par les équipes du SIVOM » détaille Joseph Arenas, son président. « Deux désinfections, et un nettoyage, ce sont les règles à ce jour. Elles peuvent encore évoluer ».

Les familles dans l'incertitude

Les élèves, eux, ne sont pas tous prêts de reprendre. Chez les Stiegler-Montard par exemple, pas de chance ! Aucun des trois enfants de cette famille de Griesheim-sur-Souffel n’est concerné par les dates de retour en classe connues à ce jour. Cela fait plus de sept semaines que la table de la salle à manger est devenue le meuble central de la maison. On y fait tout : d’un côté les devoirs pour Jules (10 ans, en CM1) et Clément (8 ans, en CE1). De l’autre le télétravail pour Martin, le papa, commercial frontalier dans une entreprise d'acier. Même chose pour Laurence, la maman, chargée des relations publiques dans les institutions européennes.
 

« Vous pouvez venir plus souvent ? » nous demande-t-elle, bien étonnée par le calme des enfants quand nous commençons à filmer. Mais ça ne dure pas. Charlotte, 4 ans, en petite section de maternelle, s’habitue rapidement à notre présence. Et même si maman vient à peine de s’assoir pour télétravailler, elle veut qu’elle vienne voir son travail avec les vernis à ongles. Maintenant. Ou taper les lettres [sur l’ordinateur de son papa] qui n'attendait que ça bien sûr.

Entre stress et incertitudes…

« Travailler, faire l’instituteur, les devoirs, gérer l’intendance à la maison… C’est trop de choses en même temps ! » rapporte Martin Stiegler. « On essaie de se concentrer, mais toutes les 30 secondes, il y en a un des trois qui nous dérange ». Son épouse Laurence enchaîne : « Il y a plein de stress, de frustration, d’énervement. Ca commence à être vraiment long ! Moi j’ai prévenu ma hiérarchie que je ne continuais pas comme ça. »
 

Alors que le déconfinement n’a pas commencé, de nombreux sujets quant à l’organisation future restent en suspens pour la famille. Les questions s’accumulent, et la date de retour à l’école pour les enfants n'en est qu'une parmi d'autres. « On ne sait pas non plus pour les congés d’été. Est-ce qu’il y en aura ? Est-ce qu’on pourra aller voir la mer ? » poursuit Martin. « Pour nos employeurs, pareil », continue Laurence. « Est-ce qu’on sera fermé ? On ne peut pas poser huit semaines de vacances ! Ou au contraire, est-ce qu’on va travailler plus cet été pour essayer de rattraper le retard ? On ne sait pas. »
 

Que faire avec les enfants si l'école ne reprend pas ?

En cas de surcharge de travail en période estivale, le couple anticipe l’organisation de la garde d’enfants. Sans avoir encore l’ombre d’un semblant de réponse : « Est-ce qu’il y aura un centre aéré ? Moi j’ai deux jours de nounou par semaine, deux semaines en été. Ca fait quatre jours de garde pour huit semaines, et là, on ne s’en sort pas. S’il faut, on va s’entraider avec des couples d’amis. On posera des jours de congés pour garder les enfants à tour de rôle. »

L'école oui mais quand on sera vert

Clément, 8 ans

De leur côté, les enfants ne connaissent toujours pas la date à laquelle ils pourront retourner étudier en classe. Mais ils ont un avis à partager sur cette question : « Je ne pense pas qu’il faut retourner à l’école tout de suite, il vaut mieux attendre fin mai-début juin » explique Jules. Son petit frère, qui a bien étudié la carte de la répartition du coronavirus dans le Grand Est, précise : « Oui, quand on sera vert ou orange. Parce que rouge, ça veut dire qu’il y a beaucoup de cas ».

En attendant, il est l’heure de déjeuner. Les parents-instituteurs-télétravailleurs changent encore de statut pour mettre leur tablier de cuisine. Jules en a profité pour essayer d'obtenir un chocolat juste avant le déjeuner. Notre premier épisode s'arrête sur de nombreux doutes, des questions sans réponse. Nous saluons la famille en attendant de la retrouver dans quelques jours pour suivre le retour à l'école des (autres) enfants du village. Rendez-vous samedi prochain pour savoir comment ça s'est passé.

Pour patienter, vous pouvez voir ou revoir ce premier reportage télé ici : 

Déconfinement à Dingsheim, le making-off en diaporama

Pour ce feuilleton au rythme du déconfinement avec les habitants de Dingsheim, nous allons retourner régulièrement dans le village. Tournage, interviews, montage... Nous partageons avec vous quelques images de notre travail. A faire défiler

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